Chemins d’Afrique
2021
Un indicateur important est le spread de chaque pays, encore appelé la marge actuarielle, c’est-à-dire l’écart constaté entre le taux de rentabilité de leurs obligations et le taux d’un emprunt sans risque pour une durée similaire—le spread est plus faible quand l'émetteur a unemeilleure solvabilité. Les pays dont les spreads d’emprunt ou d’obligation ont baissé et sont désormais proches des niveaux pré-pandémiques peuvent également lever des fonds sur le marché. Cela pourrait alors leur permettre de se redresser plus rapidement, favorisant ainsi la croissance. La pandémie a également mis à jour de nombreuses lignes de fracture. En novembre 2020, la Zambie a fait défaut sur sa dette en se soustrayant au remboursement d'une euro-obligation de 42,5 millions de dollars. L’on craint que le défaut de la Zambie n'entraîne un effet domino déclenchant le même effet chez d'autres pays au bord du défaut, comme le Congo-Brazzaville, le Tchad et l'Angola. La croissance des plus grandes économies a été faible. La faiblesse de la reprise économique en Afrique du Sud, au Nigeria et en Angola pèsera sur le PIB de l'Afrique subsaharienne. Des politiques visant à stimuler la croissance, à soutenir les petites entreprises et le secteur informel seront nécessaires. Il faudra aussi investir dans les secteurs de la santé et de l'éducation, et engager les économies nationales dans la voie du numérique. Uneéconomiesedéveloppe lorsqu’elleest productrice nettedebiens et de services, et se contracte lorsqu'elle est consommatrice nette. Les pays africains doivent renforcer et développer leurs secteurs manufacturiers. Les perturbations des chaînes d'approvisionnement causées par le confinement ont suscité une accumulation de produits allant des équipements de base aux machines, étouffant ainsi la production de biens fabriqués par les fabricants locaux. Dans de nombreux pays ont enregistré des pénuries de biens essentiels tels que les équipements hospitaliers et les équipements de protection individuelle, ce qui a mis en danger les travailleurs de la santé et les patients. Les pays africains devront développer un secteur manufacturier local afin de répondre à leurs besoins. Dans les cas où les infrastructures sont inadéquates, des réseaux régionaux de production manufacturière devront être mise en place. Même avant la pandémie, le continent africain était accablé par les maladies infectieuses comme Ebola et le VIH/SIDA. Après la pandémie, chaque pays devra s'assurer de disposer d'une bonne infrastructure de soins de santé de base et étudier lesmoyens d'intégrer les technologies permettant la délivrance de soins de santé en ligne et de diagnostics à distance. Ici encore, la collaboration transfrontalière entre pays disposant
de très peu de ressources contribuerait à combattre les virus et maladies à venir. Le soutien aux innovateurs et aux industries locales dans la production de fournitures médicales essentielles, ainsi que le transfert de connaissances transfrontalier, seront cruciaux. La pandémie a montré que beaucoup de chercheurs africains dans le domaine médical sont parmi les meilleurs au monde. Dès les premiers jours de la pandémie, des chercheurs sénégalais par exemple ont mis au point des kits de test Covid-19. Des scientifiques sud-africains ont découvert une nouvelle variante du Covid-19. Des scientifiques nigérians développent actuellement deux vaccins. Le sous-financement des laboratoires médicaux empêche les scientifiques médicaux africains d’apporter des solutions aux épidémies, pandémies et maladies qui tuent des populations en Afrique. Enfin, la pandémie a mis en évidence l'importance de l'eau en tant que droit humain fondamental. La principale recommandation de l'Organisation mondiale de la santé contre la propagation du Covid-19 est de se laver fréquemment les mains avec du savon. Mais en Afrique subsaharienne, près de 63% des habitants des zones urbaines, le principal foyer du virus, ont du mal à accéder aux services d'eau de base et ne peuvent pas se laver les mains. Même avant la pandémie, l’on estimait que 70 à 80% des maladies de la région étaient imputables à la mauvaise qualité de l'eau. Les gouvernements africains ont mis en place des plans de réponse rapide pour lutter contre l'urgence Covid-19, mais ils doivent aller au-delà de la pandémie actuelle et trouver des solutions à long terme à la crise persistante de l'eau. Les gouvernements ont besoin d’investir dans le secteur de l'eau et de l'assainissement. Actuellement, les pays africains allouent environ 0,5% de leur PIB à ce secteur et seule une petite partie des financements internationaux y est consacrée. L'infrastructure de l'eau devrait être l'un de ces projets qui attirerait les investissements privés, ceci dans le cadre de partenariats public-privé, La pandémie a retardé le développement de nombreux pays africains, mais elle offre aussi de nombreuses opportunités. Le continent a besoin de dirigeants forts et audacieux, capables de transformer cette crise en opportunité et corriger les failles économiques du passé tout en créant des pays dynamiques et équitables. Il ne faut pas laisser passer les bénéfices potentiels d’une bonne crise.
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Vol 1 • N° 2 • Chemins d’Afrique 2021
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