Chemins d’Afrique
2021
Piège du revenu intermédiaire : leçons pour l’Afrique
niveau de revenu se situe entre 20 à 40% de celui des États-Unis. Le même rapport constate que depuis 1960, seulement 13 des 101 économies à revenu intermédiaire ont rejoint le club des économies à revenu élevé. Parmi ces 13 économies, neuf étaient des économies à revenu moyen supérieur (20 à 40% du revenu par habitant des États-Unis: la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Irlande, Hong Kong, Israël, le Japon, l’île Maurice, Porto Rico et Singapour), seulement deux étaient des économies à revenu faible ou à revenu moyen inférieur (la Corée et le Taïwan, respectivement), et le dernier étant une économie exportatrice de pétrole (la Guinée équatoriale). Ce chiffre de 13 sur 101 montre à quel point il est rare qu’un pays dépasse le stade du revenu intermédiaire supérieur pour rejoindre le club des pays à revenu élevé. Diverses études ont identifié les raisons du PRI : conditions démographiques, institutions, structures industrielles et commerciales, diversification économique, infrastructures physiques et développements macro-financiers. Une étude financée par la Banque asiatique de développement soutient que les capacités d’innovation constituent la principale contrainte à surmonter pour éviter le PRI. Ce point de vue corrobore celui de la Banque mondiale selon lequel les économies à revenu intermédiaire auraient tendance à tomber dans un piège parce qu’elles sont
prises entre les industries qui dépendent des bas salaires et les industries innovatrices où les salaires sont élevés. Quand les niveaux de salaire sont trop élevés pour concurrencer les pays exportateurs à bas salaires, et que les capacités technologiques sont trop faibles pour leur permettre de rivaliser avec les pays avancés, le risque de tomber dans le PRI est élevé. L’importance de l’innovation comme cause du PRI est crédible si l’on analyse l’expérience de plusieurs économies d’Asie de l’Est qui ont réussi leur transition vers des économies à haut revenu au cours des dernières décennies. Grâce à leurs capacités d’innovation croissantes du fait de l’augmentation du ratio R&D/PIB à plus de 1% au milieu des années 80, la Corée du Sud et Taïwan sont passés d’économies dépendant des bas salaires à des économies produisant de biens haut de gamme. L’accent mis sur l’innovation contraste avec ce que l’on a appelé le Consensus de Washington qui mettait l’accent uniquement sur l’ouverture et la libéralisation. La Corée, comme d’autres pays en développement, a été confrontée à des déficits commerciaux persistants au cours des deux premières décennies de son industrialisation. Ce n’est que depuis le milieu des années 80 que le gouvernement a mis l’accent sur le développement technologique en augmentant le financement public de la R&D privée, en offrant des avantages et même en menant conjointement des activités de R&D. Cette initiative politique a permis
L ’expression «piège du revenu intermédiaire» (PRI) désigne une situation dans laquelle les pays à revenu intermédiaire sont confrontés à un ralentissement de leur croissance. Le concept de PRI est pertinent pour de nombreux pays dans le monde. Un rapport de la Banque mondiale compare les niveaux de revenus de plusieurs pays (par rapport à celui des États-Unis) en 1960 et 2008, et révèle qu’au moins 30 pays dont la croissance étaient prometteuse sont finalement tombés dans le PRI. Autrement dit, l’augmentation des revenus s’est plus fortement ralentie dans les pays à revenu intermédiaire supérieur ou dans les pays dont le
Keun Lee Professeur d’économie Université nationale de Séoul, Corée. (www.catch-up.org)
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Vol 1 • N° 2 • Chemins d’Afrique 2021
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