Chemins d'Afrique VOL 1-No 2-June 2021

Chemins d’Afrique

2021

Justin YifuLin

Industrialisation : leçons chinoises pour l’Afrique du Nord Questions à Justin Yifu Lin. Chemins d'Afrique : D epuis des décennies, la majorité des pays en développement tombent dans le piège du revenu moyen ou faible. Que doivent-elles faire pour échapper à cette situation ? Justin Yifu Lin : Tirant les leçons de l'expérience chinoise, nous défendons l’idée ici qu’une économie prospère doit s’appuyer sur son marché, qui en est le fondement, et sur un État qui joue un rôle actif de facilitation.

Apparue après la seconde Guerre mondiale, la première version de l'économie du développement – le structuralisme – mettait l'accent sur les dysfonctionnements du marché, et recommandait aux autorités de mobiliser et d’allouer directement des ressources au développement des secteurs à forte intensité capitalistique, semblables à celles des pays à revenu élevé. L’intention était louable. Toutefois, cette stratégie qui se fondait sur des interventions et des distorsions du marché pour développer ces industries de pointe, s’est soldée par une mauvaise affectation des ressources, des comportements de maximisation de la rente et de corruption, une stagnation économique, des crises fréquentes, et un élargissement de l'écart avec les pays à revenu élevé. Après les années 1970, le « néolibéralisme » est devenu le nouveau courant de pensée dominant en économie du développement, mettant l’accent sur les échecs du gouvernement. Ce courant de pensée préconisait le recours à la « thérapie de choc » pour mettre en œuvre le « consensus de Washington ». Il s’agit là d’un ensemble de réformes pour la privatisation, l’« ouverture des marchés », la stabilisation, et la libéralisation, dont l’objectif est de mettre un terme aux interventions des pouvoirs publics et distorsions en découlant, afin d’instaurer un modèle de marché qui fonctionne bien dans le droit fil de celui des pays développés. Les pays socialistes et les autres pays en développement qui ont adopté cette stratégie de transition ont connu un effondrement économique, une stagnation, et des crises fréquentes. Leurs performances économiques ont été plus mauvaises qu'elles ne l’étaient avant la transition.

Tous les pays en développement aspirent à devenir des pays modernes, industrialisés, à revenu élevé. Or, après la Seconde Guerre mondiale, sur près 200 pays, seuls deux, la République de Corée et Taïwan, sont passés de la catégorie de pays à faibles revenus à celle de pays à revenus élevés. La Chine pourrait devenir le troisième d'ici 2025. Sur 101 économies à revenu intermédiaire en 1960, seules 13 ont pu passer dans la catégorie des pays à revenu élevé. Sur ces 13 pays, huit étaient des pays européens ; il s’agissait de pays ayant un faible écart de revenu au début de leur développement, ou de pays producteurs de pétrole. Les cinq autres étaient le Japon et quatre petites économies d'Asie de l'Est, à savoir Hong Kong, Singapour, la République de Corée et Taïwan.

Pourquoi tant de pays restent-ils piégés dans la catégorie des faibles ou moyens revenus ?

Doyen, Institute of New Structural Economics et Institute of South-South Cooperation Development. Doyen Honoraire, National School of Development. Professeur d’économie, Peking University.

La principale raison est que la plupart des pays ont appliqué les théories économiques occidentales pour élaborer leurs stratégies de développement et de transition, et qu’ils ne sont pas parvenus à maintenir un équilibre entre le marché et l'État.

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Vol 1 • N° 2 • Chemins d’Afrique 2021

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