Chemins d’Afrique
2021
CONFESSIONS J ’ai appris à jouer de la guitare à l’âge de 13 ans je crois. Un grand frère nommé Y’a Godé m’avait appris trois accords : le do, le fa et le sol. J’avais alors cru être devenu le meilleur guitariste au monde. Mes illusions sont tombées le jour où j’ai découvert qu’il existait une multitude d’accords, avec des noms plus complexes les uns que les autres. Ce fut aussi une première leçon d’humilité, et un aperçu de l’ampleur du travail à faire lorsque l’on voudrait poursuivre sa passion.
"Rendez-vous à Paris"
Assez tôt, j’ai su que la musique tracerait mon destin. Le moment décisif de mon itinéraire a lieu à l’âge de 13 ans. Un véritable choc. J’avais eu le privilège d’écouter chanter Myriam Makeba au Stade Tata Raphael de Kinshasa, aujourd’hui appelé Stade du 20 mai. La performance de la légendaire diva sud- africaine était au-delà de ce que mon imaginaire avait pu énoncer jusqu’à cette époque de ma vie. En la regardant, je voulais être comme elle. Mon destin s’est décidé cette nuit-là. Ma fille ainée porte d’ailleurs son nom. Il faut mériter sa chance et provoquer des hasards heureux. C’est ce que j’ai essayé de faire par mon travail. Un jour, mon ami Komba m’apprend que la grande star zaïroise [congolaise] Abeti Masikini cherche un guitariste. J’y vais. Son manager qui est aussi son mari me soumets à des tests. Il me demande de jouer différents types de rythmes. J’ai dû m’en sortir décemment, puisque j’ai été retenu. Je devais avoir 19 ans. C’est le début d’une vraie carrière musicale, du moins à Kinshasa où Abeti Masikini était une figure incontournable du paysage artistique.
Au début, une grosse difficulté physique était la douleur aux doigts. Tous ceux qui jouent de la guitare le comprennent. Dans mon cas, c’était d’autant plus grave que je suis un peu extrémiste : quand j’apprends quelque chose, j’y mats un acharnement et un zèle de possédé… Je passais quasiment une partie de la journée à apprendre et à pratiquer mon jeu de guitare. Mes doigts saignaient parfois. Mais je n’arrêtais pas pour autant. Je continuais. Les doigts se raffermissaient. Les blessures finissent par guérir et cicatriser. La douleur peut être refoulée et domptée, pour n’être qu’un état d’esprit… Comment ai-je appris à chanter ? Je me souviens du premier déclic. C’était un dimanche lors d’une messe. J’avais 8 ans. Je regardais la chorale de l’église, composée d’enfants de mon âge qui chantaient comme des anges. Le jour d’après, j’avais pu me faire intégrer à ce groupe. Le dirigeant de la chorale, un certain Misha-Misha, m’avait dit : « oui, ta voix est pas mal… Mais il faudra beaucoup bosser ». Ce fut le début d’un long pèlerinage… J’ai chanté quasiment dans toutes les églises de Kinshasa. Un jour, je m’étais même retrouvé devant le président de la république Mobutu Sese Seko, chantant pour le baptême d’un de ses enfants... A vrai dire, je me considérais plus guitariste que chanteur.
Lokua Kanza Musicien et Producteur. @lokuakanza
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Vol 1 • N° 2 • Chemins d’Afrique 2021
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