Chemins d'Afrique VOL 1-No 2-June 2021

2021 Chemins d’Afrique

plus difficile de les faire partir lorsque les conditions économiques se détériorent),

• Une première priorité pour les gouvernements africains consiste donc à encourager le passage à des voies de croissance qui absorbent la main-d’œuvre. Ils devraient mettre en place des programmes et des politiques visant à moderniser le secteur agricole, qui emploie la majeure partie de la population et constitue généralement la principale étape de l’industrialisation.

• Modifications du système de prestations (niveau des prestations, durée, couverture et restriction des critères de mise en œuvre), considéré comme un facteur important affectant le salaire de réserve, • Réductions du coin fiscal (différence fiscale entre le coût du recrutement d’un travailleur et le salaire net du travailleur) afin d’améliorer l’offre et la demande de travail, • Modifications des rapports de négociation salariale (la couverture et la force des syndicats ainsi que leur capacité à négocier des salaires plus élevés ou à organiser des grèves sont considérées comme des facteurs déterminants du chômage), • Adoption de politiques actives du marché du travail (formation, subventions à l’emploi, aides à la recherche d’un emploi, etc.) visant à accroître les chances des chômeurs de trouver un emploi. Il n’y a pas de problème en soi avec un tel programme politique. Mais il est plus approprié pour les économies avancées où le niveau d’emploi à plein temps est élevé et où la main-d’œuvre est devenue un facteur de production coûteux. Dans les pays en développement où l’emploi à plein temps est faible et où il existe encore des excédents de main-d’œuvre, ces mesures politiques produisent rarement les résultats escomptés. Et parce que le cadre politique traditionnel néglige la caractéristique la plus flagrante des pays à faible revenu, à

• Une deuxième priorité consiste à investir dans le capital humain, en particulier dans les

moteursdudéveloppementéconomique.L’agriculture, qui emploie la plus grande partie de la main-d’œuvre, est de loin le secteur le moins productif en Afrique. En outre, le revenu et la consommation sont plus faibles dans l’agriculture que dans tout autre secteur. Les recettes traditionnelles de création d’emplois, recommandées par les grandes institutions, ne collent pas aux réalités africaines. La plupart des pays africains et une grande partie des pays en développement ont négligé le principe fondamental des stratégies de développement

économique réussies, qui consiste à faire en sorte que l’économie se développe en usant de son avantage comparatif et qu’elle soit compétitive sur le plan international. Malheureusement, les cadres politiques conventionnels mis en place dans toute l’Afrique depuis l’indépendance ont tenté de reproduire les industries et les institutions des pays à revenu élevé, qui ont servi de modèle et d’objectif pour les politiques de développement. Au lieu de se concentrer sur les industries à forte intensité de main- d’œuvre, présentant des avantages comparatifs pour les pays africains, les gouvernements ont souvent ciblé les industries à forte intensité de capital et de technologie, dominantes dans les pays à revenu élevé. Cette tentative de « modernisation » peu judicieuse explique que les économies soient toujours dépendantes des produits de base et qu’elles ne génèrent que peu d’emplois, six décennies après l’indépendance. Environ deux tiers de la population du continent a moins de 24 ans et se trouve sous-employés, y compris les diplômés du secondaire et de l’enseignement supérieur. La plupart des travailleurs sont encore piégés dans des activités à très faible productivité, dans l’agriculture de subsistance et le secteur informel. Pour faire face à sa forte croissance démographique, l’Afrique devra générer entre 12 et 15 millions d’emplois par an.

savoir la grave pénurie d’emplois de qualité et leur degré d’informalité omniprésent, les preuves empiriques de l’efficacité de ces politiques sont, au mieux, incertaines.

Des décollages économiques réussis et des augmentations substantielles de la demande de travail nécessitent une croissance de la productivité. La réaffectation de la main-d’œuvre des secteurs traditionnels de subsistance à faible productivité aux secteurs modernes à forte productivité doit être un élément clé des accélérations de la croissance en Afrique. Ces secteurs nécessitent non seulement la création d’emplois dans l’agriculture, l’industrie et les services modernes, mais également des politiques qui permettent aux pauvres et aux travailleurs peu qualifiés de tirer parti des nouvelles opportunités créées par la transformation structurelle.

Solutions traditionnelles (globalement) inefficaces Confrontés à ces défis considérables, les décideurs africains ont essayé de trouver des solutions au chômage et au sous-emploi. Les solutions traditionnelles que les experts leur proposent depuis plusieurs décennies reposent généralement sur l’analyse économique conventionnelle et se concentrent sur l’élimination des distorsions dans l’environnement des entreprises. Elles incluent généralement une liste de réformes visant à rendre

les marchés du travail africains plus flexibles, mais elles sont politiquement difficiles à mettre en œuvre :

Changements dans les pratiques d’embauche et de licenciement afin de réduire les coûts de transaction pour les entreprises et de leur donner plus de marge de manœuvre (on présume ici qu’une forte protection de l’emploi a tendance à rendre les employeurs plus réticents à engager des travailleurs, car il est alors

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