Chemins d'Afrique VOL 1-No 2-June 2021

Chemins d’Afrique

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multipartistes, etc.) ?

euro-africains restent dominés dans les prochaines années par des préoccupations mercantilistes et sécuritaires du côté européen. l’Afrique francophone : les blessures de la colonisation et de la décolonisation violente—en Algérie et au Cameroun—ont-elles été cicatrisées ? Quel est le rôle de la mémoire dans les relations entre colonisateurs et colonisés ? S’agissant en particulier de Il est évident que ces blessures sont loin d'être cicatrisées, comme l'ont montré les récentes controverses autour du rapport Stora. Cela dit, je ne mettrais pas le Cameroun et l'Algérie dans le même panier. Pour le premier, la terrible répression française contre l'UPC, poursuivie par le régime que Paris a mis en place en 1960, a été totalement occultée par les histoires officielles des deux

Mais les deux pouvoirs qui se sont succédés dans le Cameroun indépendant n'ont jamais réclamé la vérité, n'ont jamais demandé des comptes à l'ex-puissance coloniale. Tout y est encore à faire. En Algérie en revanche, le dossier est depuis des décennies sur la table pour plusieurs raisons. Des deux côtés, des travaux historiques ont fait depuis longtemps le bilan de la colonisation et de la guerre d'indépendance. Les blocages actuels viennent du fait que la France officielle a du mal à reconnaître l'ampleur des méfaits coloniaux mais aussi du fait que les dirigeants algériens ont toujours voulu tirer leur légitimité de la lutte de libération, quitte à réactiver les contentieux quand cette légitimité s'épuise, comme aujourd'hui. Les mémoires, de toutes façons, ne pourront jamais se rejoindre. Il faut écrire l'histoire, toute l'histoire, et des deux côtés, pour pouvoir les transcender et passer à autre chose.

fortunes diverses. Si quelques pays ont réellement entamé une mue politique avec un vrai multipartisme et des alternances au sommet de l'Etat, dans d'autres les régimes autoritaires ont su fabriquer des démocratisations de façade qui n'ont rien changé à l'essentiel, et l'on est revenu - du Gabon au Congo Brazzaville - aux vieilles habitudes. Et dans bien des pays, la culture du président à vie a vite retrouvé un nouveau souffle. Les printemps arabes de 2011 ont répondu à d'autres logiques. Le monde arabe était jusque-là la seule région de la planète entièrement gouvernée par des dictatures, à l'exception du cas particulier du Liban. De la Tunisie à l'Egypte et à la Syrie, les soulèvements ont été le résultat de dynamiques internes et non d'évolutions géopolitiques internationales. Les peuples de cette région, seuls, sans aide, ont exprimé leur rejet de dictatures dont certaines figuraient parmi les plus féroces du globe. Ce n'est que dans un deuxième temps que les interventions extérieures

Ces deux épisodes ne se ressemblent pas. A la fin des années 1980 et au début des années 1990, la séquence subsaharienne des conférences nationales a été une conséquence de l'effondrement du bloc soviétique et de la fin de la guerre froide. Les pays occidentaux n'avaient plus besoin de soutenir des dictatures qui étaient jusque-là dans leur camp et ont prôné la conversion démocratique des régimes en place. Cette injonction a correspondu à un réel souhait des populations et de leurs élites d'en finir avec l'autoritarisme, les partis uniques et les présidents à vie. Ces premiers "printemps" africains ont, dans certains pays, desserré l'étau dictatorial qui les régissait depuis les indépendances, mais avec d e s

Quel bilan faites-vous des Printemps arabes et des démocratisations africaines des années quatre- vingt-dix (conférences nationales, retour des régimes

pays. Il règne sur ce sujet une omerta insupportable malgré quelques remarquables ouvrages qui ont retracé cette histoire et les abominations qui ont été commises.

ont pu changer les dynamiques locales, comme en Libye ou en Syrie. Presque partout,

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Vol 1 • N° 2 • Chemins d’Afrique 2021

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