Chemins d'Afrique VOL 1-No 2-June 2021

2021 Chemins d’Afrique

durable du développement des économies africaines. On s'interroge en particulier sur leur capacité à suivre le modèle asiatique de développement par les exportations manufacturières. Les marchés mondiaux de biens manufacturés semblent saturés et il n'est pas sûr que les économies africaines puissent concurrencer avec succès les pays asiatiques qui progressivement se substituent à la Chine sur ces marchés. Le quatrième temps est donc une période d'interrogation sur la nouvelle stratégie à suivre pour maintenir le rattrapage en cours sur des économies plus avancées, interrogation qui survient en un moment où l'incertitude liée au changement technologique gagne l'ensemble de l'économie mondiale et où l'on pressent les effets négatifs longs de la pandémie en cours. La Chine hier et le Vietnam aujourd’hui ont adopté des stratégies de développement que les économistes considéraient comme hérétiques. Or, ces deux pays ont réussi à sortir plus de 700 millions de personnes de la pauvreté en moins de 40 ans. L’économie du développement comme discipline ou sous-discipline est-elle un échec? Il me semble que les véritables "hérétiques" étaient plutôt la Corée, Singapour et Taiwan dans les années 1970. D'une certaine façon, la Chine, le Vietnam ou le Cambodge aujourd'hui ont suivi, ou suivent aujourd'hui sur les traces de ces prédécesseurs. Ces premiers "dragons",

passées, une plus grande stabilité et maturité des appareils politiques, et/ou l'assouplissement de l'ultra-libéralisme imposé dans la période précédente ? Quoi qu'il en soit, les économies africaines recommencèrent à croître dans la seconde moitié des années 1990. Le rythme s'accéléra au cours des années 2000, en partie du fait d'une envolée du prix des produits primaires exportés. Des progrès certains avaient été obtenus dans la gestion du développement dont on voyait les résultats, à tel point que l'Afrique fut capable de traverser au seul prix d'un léger ralentissement la récession mondiale de 2008-09. On pouvait croire que les difficile réformes des décennies antérieures avaient porté leurs fruits, que des stratégies efficaces de développement avaient progressivement mûri et que l'Afrique se trouvait sur un solide chemin de rattrapage des économies avancées et des économies émergentes. Ce troisième temps du développement africain était donc plein de promesse . En même temps, un certain mystère entourait ce "risorgimiento", dans la mesure où ce développement se déroulait principalement au profit du secteur des services, au détriment de l'agriculture – ce qui est couramment observé dans tout processus de développement, mais surtout sans progrès relatif du secteur manufacturier. Tout se passait donc comme si, en moyenne, le moteur de croissance résidait dans l'exportation de produits primaires dont les retombées dynamisaient le secteur des services domestiques. Les marchés mondiaux de biens manufacturés semblent saturés et il n'est pas sûr que les économies africaines puissent tenir la concurrence Le quatrième temps est celui qui commence en 2015 avec le reflux des cours des matières premières, ce qui se traduisit immédiatement par un ralentissement de la croissance. La dette extérieure a maintenant augmenté dans nombre de pays, du fait de la baisse des cours mondiaux, et l'on se pose à nouveau la question de ce que peut ou doit être le moteur

chemin et y ont réussi. Il n'est pas clair que ce chemin soit praticable dans des pays qui n'ont pas les mêmes dotations, en particulier des pays qui jouissent de ressources naturelles, et, surtout, n'ont pas les mêmes institutions. Pourquoi le Bangladesh n'arrive pas à dépasser le stade de l'industrie textile traditionnelle comme l'on fait la Corée dans le passé ou le Vietnam aujourd'hui ?

Je ne sais pas ce qu'est exactement l'économie du développement".

et surtout la Corée et Taiwan, ont été hérétiques principalement dans la rupture qu'ils représentent vis-à-vis du modèle classique de développement, basé sur l'exemple du 19ème siècle, et prônant un développement d'abord basé sur le secteur agricole. La stratégie d'industrialisation poursuivie par les dragons et, surtout, le passage de l'industrie légère à l'industrie lourde allait en effet à l'encontre du modèle

"historique" de développement. La Chine et les autres pays asiatiques ont choisi le même

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