Chemins d'Afrique VOL 1-No 2-June 2021

2021 Chemins d’Afrique

pandémie pour avoir de l’espoir. En 20 ans, l’Afrique subsaharienne a réalisé de considérables gains socioéconomiques. Les taux de pauvreté, qui étaient de 60 % à la fin des années 90, ont été abaissés à près de 40 % en 2015. La région a également enregistré d’importantes avancées en matière d’éducation et d’espérance de vie. Bien que l’orientation favorable des cours des produits de base et les initiatives d’allégement de la dette aient été utiles dans certains cas, une grande partie de ces progrès est attribuable aux réformes intérieures qui ont renforcé la stabilité macroéconomique et amélioré l’accès aux financements privés. Lorsque la COVID-19 est apparue, nous avons vu avec quelle rapidité les gouvernements de la région ont réagi pour prévenir ce qui aurait pu être une crise sanitaire encore plus grave. Des pays aux ressources limitées ont mis à profit les technologies et les solutions numériques pour optimiser les dépenses et amortir les conséquences de la pandémie. Les pays de la région ont également recouru aux applicationsd’argentmobile, auxtransfertsmonétaires électroniques et à la collaboration à distance pour déployer des programmes de protection sociale ciblés sur les ménages et les entreprises vulnérables. Au Togo par exemple, le programme de transferts monétaires « NOVISSI » se sert des téléphones mobiles pour cibler les paiements sur les groupes les plus vulnérables, principalement dans le secteur informel. En Zambie aussi, des prestations ont été envoyées par téléphone mobile aux personnes qui avaient perdu leur emploi du fait de la COVID-19. Dans l’ensemble, je suis en effet optimiste pour la région. Le véritable changement se produit sur les lignes de front — des dirigeants innovants et dévoués aux populations résilientes de toute la région. On entend souvent dire qu’un grand nombre des défis auxquels l’Afrique est confrontée sont dus au manque de fonds ou aggravés par celui-ci. L’argent est-il encore la contrainte la plus forte ? Peut-on envisager de nouvelles solutions pour financer le développement africain sans tomber dans le piège de la dette ? Les pays à faible revenu de la région auront certainement besoin de financements supplémentaires. De nouveaux travaux de recherche du FMI montrent qu’ils devraient déployer entre 115 et 305 milliards de dollars dans les cinq prochaines années pour accélérer leur riposte à la pandémie, conforter les réserves de change et retrouver la trajectoire de convergence vers les niveaux de revenu

des pays avancés.

Mais il ne s’agit pas seulement de financement ou d’aide internationale. Ce dont la région a besoin, c’est de réformes transformatrices qui libèrent son formidable potentiel de croissance. À titre d’exemple, nous devons trouver des solutions pour accroître les recettes publiques et renforcer la protection sociale. Une plus grande transparence et une responsabilité accrue peuvent aider dans cet effort — comme l’investissement dans la transformation numérique et les mesures d’atténuation des conséquences du changement climatique. Bien sûr, les pays devront gérer leur situation budgétaire pour ramener la dette sur une trajectoire viable. Ces mesures aideront à accélérer la croissance à long terme et donneront des opportunités à ceux qui entrent sur le marché du travail régional. Certes, de l’aide concessionnelle de la part de la communauté internationale — dons, financements concessionnels et allégement de la dette — sera nécessaire pour couvrir ces besoins, mais les flux de capitaux privés ont aussi un rôle important à jouer. Avec des réformes soutenues, l’après-crise offre aussi une opportunité pour de nouvelles approches innovantes du financement, qui pourraient aider la région à convaincre le secteur privé de contribuer aussi au financement des investissements dont elle a besoin. Quels enseignements tirés de votre carrière ou même de votre vie personnelle pourriez-vous partager avec les jeunes Africaines aujourd’hui ? Je crois profondément dans le pouvoir de l’enseignement supérieur, l’apprentissage tout au long de la vie et l’ouverture aux opportunités qui se présentent, même si elles nous font emprunter des chemins inattendus. L’un des plus illustres fils de l’Afrique, Kofi Annan, a dit un jour : « La connaissance est le pouvoir. L’information libère. L‘éducation est la base du progrès, dans chaque société, dans chaque famille. » Pendant mes études d’économie au Swarthmore College, j’ai toujours gardé à l’esprit l’importance des facteurs non économiques du développement. C’est pourquoi j’ai décidé de faire mon doctorat à la Fletcher School de l’université Tufts, avec une orientation économique, mais en prêtant aussi attention à ces autres facteurs.

pendant 17 ans sur les questions de politiques économiques nationales et de développement, et où j’ai exercé aussi des fonctions de direction. Je ne savais pas à ce moment-là que je deviendrais le premier ministre des Finances du Libéria au sortir du conflit et que j’exercerais par la suite des fonctions dirigeantes au FMI. Chacune des étapes de ma carrière professionnelle m’a offert de précieuses expériences —et des prises de risques enrichissantes — qui m’ont préparée à l’étape suivante. Dans un monde en proie aux tensions géopolitiques grandissantes et aux perturbations économiques massives induites par la pandémie, mais qui offre aussi des opportunités de reconstruire mieux, l’enseignement supérieur avec une perspective mondiale peut faire naître une vision et des capacités à penser d’abord au monde, qui sont essentielles pour la réalisation de notre potentiel mondial. J’ai eu la chance d’avoir cette éducation tout au long de ma carrière. Mon message est donc le suivant : suivez vos rêves, imprégnez-les de responsabilité personnelle et sociale et passionnez-vous pour les rivages où ils vous emmèneront, même si ce ne sont pas ceux ce que vous aviez envisagés.

Après avoir débuté au Libéria, ma carrière m’a très vite emmenée à la Banque mondiale, où j’ai travaillé

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Vol 1 • N° 2 • Chemins d’Afrique 2021

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